Forum de la France Chrétienne 8, rue d’Artois, Versailles - france.chretienne@gmail.com - tél : 06 20.35.55.48 - La Banque Postale : APHEC 11 000 74 N Paris Le Cardinal Barbarin part d’un constat douloureux :•baisse des vocations, baisse de la prière dans les familles,•essoufflement des communautés nouvelles nées dans l’allégresse il y a trente ans,•perte de ce fonds culturel commun qui rendait plus aisé le dialogue avec les hommes politiques. Il est difficile d’être chrétien aujourd’hui pour diverses raisons. Il y a bien sûr le relativisme de notre époque, auquel Benoît XVI s’attaque souvent – ainsi dans Caritas in veritate. Pour que la charité tienne, fasse son chemin, elle doit être ancrée dans la vérité, et le problème aujourd’hui c’est qu’on pense « à chacun sa vérité ». D’où la difficulté pour admettre tout simplement le développement de la pensée de Benoît XVI. Il y a aussi des difficultés inhérentes à la société, la logique féroce de l’argent, la consommation, la logique de la télévision, d’internet, du téléphone portable, etc. Tout cela rend difficile de faire silence, de se retirer dans sa chambre pour « prier dans le secret ». Ces objections sont réelles, et elles ne sont rien. Parce qu’elles ont toujours existé. C’était difficile hier, de se présenter devant Dieu, et ça le sera demain. Saint François et Saint Dominique ont eu du mal. Saint Ignace aussi. Mais ils ont apporté une force de renouveau. Une lettre du IIè siècle parle des chrétiens comme de gens apparemment comme tout le monde sauf qu’ « ils obéissent aux lois paradoxales de leur étrange république spirituelle ». Voilà quarante ans, le cardinal Daniélou parlait de « l’oraison problème politique ». C’est vrai : la société peut s’organiser de telle sorte qu’il devient très difficile de trouver le chemin de l’oraison. Toutes ces objections ne me font pas peur, même si je ne les minimise pas. Quand il a été question de construire un nouveau séminaire, on m’a demandé pour combien de futurs prêtres il fallait le prévoir. J’ai répondu : 55, et 7 formateurs. Les uns m’ont trouvé pessimiste, les autres naïfs. Je crois à la grâce. Notre réponse à ces objections, c’est l’enracinement du christianisme. J’ai lu le récit des otages d’Irak, Chesnot et Malbrunot. Ils ont eu du mal à retrouver leur Notre Père et leur Je vous salue Marie, mais ils les disaient en boucle, pendant qu’on les trimballait. Un jour, leur geôlier leur a dit qu’il serait plus confortable pour leur carotide de se convertir à l’islam. Et ils ont décidé : non, nous sommes chrétiens. Autrement dit, des gens extérieurement indifférents se sont retrouvés dans une situation de martyrs et ont eu le courage des confesseurs. Un christianisme superficiel peut se révéler dans des circonstances dramatiques beaucoup plus profond. Au temps de la constitution civile du clergé, certains ont dit non dès le départ, mais d’autres se sont réveillés au moment où il a fallu renier le Christ. En URSS, ce sont les babouchkas qui ont gardé les icônes et la clef des églises, sans rien dire à personne. Il y a une fidélité profonde des petits. Et la grâce de Dieu. Le pourcentage des enfants qui vont au catéchisme baissait de 1,5% par an. Maintenant, on donne même plus les chiffres. Mais les jeunes de 13 14 ans qui demandent le baptême savent ce qu’ils veulent, ils veulent recevoir la grâce de Dieu. Il y a aussi des parades, comme des sites sur internet, et on s’aperçoit que des quantités de gens sont réceptifs, attentifs. A Lyon, lors de la fête des lumières, les missionnaires du 8 ont ouvert les églises, la nuit, pour qu’il n’y ait pas seulement les bistrots. Je pense qu’il y aura toujours des initiatives, des audaces, comme dans les Actes des Apôtres. Je ne sais pas ce que sera le futur de l’Eglise de France. On passe peut-être un mauvais moment. Ou c’est peut-être une fatigue plus profonde de l’Europe. Mais il faut garder confiance. Un des pièges du démon est de nous faire évader dans le futur. Le temps évangélique, c’est le présent : « Aujourd’hui, je viens chez toi », dit Jésus à Zachée ; et au bon larron : « Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis ». Cela peut nous aider à mesurer notre responsabilité. Parce que, au présent, il n’y a pas d’hésitation. A mon avis tout le monde sait ce qu’il a à faire aujourd’hui. Que son premier geste soit le signe de la croix, que la prière ne soit pas négligée. Et donner à chacun « l’équipement » dont il a besoin. C’est une expression de Saint Paul que j’aime beaucoup : « Vous, les apôtres, vous devez donner aux saints l’équipement dont ils ont besoin ». (Ephésiens IV, 12). Nous avons à fournir cet équipement à tous ceux qui dépendent de nous. Pour finir, je voudrais dire qu’il y a dans le christianisme quelque chose d’original dans le rapport tradition nouveauté. Le cardinal Decourtray qualifié de « conservateur » par un journaliste répondit : « Oui, je suis très attaché à la Tradition parce que je veux être un conservateur de l’avenir ». La Tradition est un trésor pour tous les siècles parce que la Parole de Dieu est totalement contemporaine de ce qu’elle touche. Les uns se plaignent qu’on abandonne les fondamentaux, les autres qu’on ne se renouvelle pas. Il faut les laisser entre eux. La solution est dans le Christ. La meilleure manière d’innover est d’être enraciné dans la Tradition chrétienne. Jésus ne veut pas faire de l’original, il n’a pas peur de répéter : « Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous le répète ». Mais il dit aussi « Voici que je viens faire toutes choses nouvelles ». Et comment fait-il les choses nouvelles ? « Il a fait toutes choses nouvelles en s’apportant Lui-même », dit saint Irénée. Voilà. Donner le Christ aux gens est la meilleure manière de les renouveler. C’est pourquoi il y a un espoir fabuleux, et nulle crainte à avoir : « Ne craignez pas, petit troupeau, car votre Père a voulu, dans sa bonté, vous donner le Royaume »Marie-Noëlle Tranchant Conférence de S. E. le Cardinal Philippe Barbarinau Forum de la France chrétienneen l’église Saint-Etienne du Montle mardi 27 avril 2010Compte rendu de Marie-Noëlle Tranchant (Le Figaro)
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